Si l’envolée lyrique d’Otis incarné par Édouard Baer dans Asterix et Obélix, Mission Cléopâtre (d'Alain Chabat, 2002), est devenue un monologue culte du cinéma français, j’émets l’option que le jeune fonctionnaire égyptien nous a menés en bateau. Rien que ça. Oui, chez Augustine, on a de l’audace !
Scribe était, en Égypte antique, une fonction convoitée mais également souvent héréditaire, de père en fils. Les scribes étaient formés dès leur jeune âge, souvent dans des écoles spécialisées appelées « maisons de Vie ». Là, ils apprenaient non seulement à écrire en hiéroglyphes, mais aussi en hiératique - une écriture cursive plus rapide adaptée à la tenue des documents administratifs et des textes religieux - et, plus tard, le démotique (hiératique simplifié) ainsi que le grec ancien.
Écriture démotique sur la Pierre de Rosette. Cette stèle égyptienne gravée a permis le déchiffrement des hiéroglyphes car elle comporte le même texte en hiéroglyphes, en démotique et en grec ancien ! (Chris 73 / Wikimedia Commons)
Les apprentis scribes étudiaient aussi les mathématiques, la géométrie, et la loi, car leur rôle impliquait l’art, la gestion des terres, la collecte des taxes, la création de documents légaux et la transcription des rituels religieux. Mais il fallait aussi fabriquer des pigments résistants à l’eau par exemple. Bref, une sorte de LV1 grec ancien, option administration dès le CP.
Hiérarchie
Il y avait bien sûr une hiérarchie parmi les scribes. Au sommet se trouvaient les scribes royaux qui travaillaient directement pour le pharaon et la cour, chargés de missions critiques, comme la rédaction de décrets et la gestion des grands projets de construction. Les scribes des temples, un peu plus planqués, étaient responsables de la documentation religieuse, des inventaires des offrandes et des biens du temple, et de la transcription des rituels. Les scribes des contours avaient une fonction particulière d’artistes, graveurs et dessinateurs. Les scribes administratifs géraient les affaires courantes, comme la collecte des impôts, le recensement de la population et les récoltes ou les ressources naturelles. Ils se trouvaient dans toute l’Égypte. C’est un peu nos énarques en préfecture, quoi.
Le scribe égyptien, statuette trouvée à Saqqara en 1893 ; datant d'environ 2500 av.J.C (Djehouty, cc)
À un niveau plus local, il y avait des scribes qui travaillaient pour des villages ou des districts spécifiques. Ils étaient souvent moins bien formés que ceux de la cour royale, mais leur rôle était tout aussi vital pour la collecte d'informations et la gestion locale.
Festival de privilèges
En raison de leur rôle essentiel au bon fonctionnement de l'État, les scribes jouissaient de nombreux privilèges :
- Ne pas se fouler : Contrairement à la majorité de la population, qui était impliquée dans l'agriculture ou la construction, les scribes étaient exemptés des travaux physiques pénibles.
- Copinage : En travaillant pour des institutions étatiques, royales, ou religieuses, les scribes avaient un accès privilégié aux cercles du pouvoir. Cela pouvait ouvrir des portes pour des avancements personnels et professionnels, ainsi que des opportunités pour leurs familles.
- Plein les poches : Les scribes recevaient généralement des rémunérations sous forme de rations alimentaires, de logements, et parfois même de terres. Ils auraient eu tort de se priver, dans une économie où de telles garanties étaient rares.
En bref, n’en déplaise à Otis être scribe n'était pas seulement une bonne situation, c'était l'une des meilleures carrières disponibles pour ceux qui avaient la chance d'accéder à cette éducation. Il n’empêche que la vie c’est d’abord des rencontres, l’amour du beau geste, et on peut chanter, danser la vie et se mettre au service de la communauté pour faire le don de soi. Mais avec des terres, des dîners chez le préfet, et pas la peine de suer, c’est mieux encore, c’est sûr. Alors, d’un coup, on se demande : et si Otis cherchait simplement à dissimuler ses privilèges en brodant de la sorte ?